
Soutenir l’Ukraine sans tomber dans la russophobie
POINT DE VUE
Depuis le 24 février, la guerre rugit en Europe. Non pas « aux portes », comme l’ânonnent les médias, mais à l’intérieur même de l’Europe, dont l’Ukraine fait partie intégrante à la fois par sa géographie et par sa culture. L’invasion russe lancée par Vladimir Poutine au mépris de toutes les conventions internationales et des lois élémentaires régissant le droit de la guerre est un acte d’agression en tous points injustifiable.
« Ceux qui croient à la démocratie et au droit sacré des peuples à disposer d’eux-mêmes doivent manifester un soutien absolu au peuple ukrainien. »
Il est du devoir de tous les peuples libres, de tous ceux qui croient à la démocratie et au droit sacré des peuples à disposer d’eux-mêmes de manifester un soutien absolu au peuple ukrainien, attaqué sur sa terre, dans sa souveraineté et dans son identité même par une puissance nostalgique du temps des empires.
Lorsque des populations civiles sont bombardées sans pitié, lorsque des femmes sont violées par des miliciens barbares, lorsque des maternités sont détruites, lorsque des orphelins et des vieillards livrés à eux-mêmes errent dans les rues réduits à se nourrir de déchets pour survivre, lorsque des millions de réfugiés sont arrachés à leur terre natale et doivent fuir à la hâte vers l’inconnu, il ne peut y avoir de nuance ou de circonlocutions, de « peut-être », ou de « oui, mais ». Nous avons le devoir de nous tenir aux côtés du peuple ukrainien et de condamner cette guerre d’agression.
« Cependant, un soutien absolu au peuple ukrainien ne signifie pas soutien inconditionnel au gouvernement de ce pays. »
Cependant, soutien absolu au peuple ukrainien ne signifie pas soutien inconditionnel au gouvernement de ce pays. Les reproches répétés du président Zelensky à l’Occident, coupable de « complicité avec la Russie » selon lui, ainsi que les appels au boycott lancés par des politiciens ukrainiens envers les marques ayant choisi de continuer à travailler avec la Russie (dont Renault et Leroy Merlin) sont tout aussi inacceptables car contraires à nos intérêts. Fondée sur des valeurs humanistes, l’Europe n’en est pas pour autant une ONG humanitaire : elle a des intérêts économiques et un agenda (géo)politique propres, ce qui passe par des relations d’échange et de diplomatie y compris avec des puissances non-démocratiques comme la Russie, la Chine et l’Arabie saoudite. La géographie est têtue.
Plus encore que les propos outranciers de certains politiciens ukrainiens, la flambée d’un sentiment russophobe primaire en Occident doit nous alerter. Si selon un adage la guerre révèle ce que l’homme a de plus bestial, cette guerre aura simplement révélé ce que l’on a de plus bête au sein de notre société. La censure de compositeurs russes dans les orchestres philharmoniques, la déprogrammation d’une étude de Dostoïevski par l’Université de Milan, ainsi que les dégradations de lieux de cultes orthodoxes ou de boutiques commercialisant des produits russes sont révélatrices d’un profond manque de recul et d’une irrationalité inquiétantes aussi bien chez les élites qu’au sein de la population.
« Nous tenons à rappeler que si le régime russe est bien un adversaire, le peuple russe n’est pas l’ennemi de l’Europe »
C’est donc tout naturellement que le PFE, mouvement humaniste attaché aux valeurs de paix prônées par les pères fondateurs de l’UE, a condamné dès les premiers jours l’agression russe. Nous espérons en effet une résolution rapide et pacifique de ce conflit ainsi que l’éventuelle mise en jugement d’individus ou de groupes convaincus de crimes de guerre. Par ailleurs, nous tenons à rappeler que si le régime russe est bien un adversaire, le peuple russe n’est pas l’ennemi de l’Europe, dont il fait (au même titre que le peuple ukrainien) partie intégrante, tant au niveau géographique que civilisationnel. La haine, quels qu’en soient les mobiles et les destinataires, est contraire aux valeurs de l’humanisme européen auxquelles notre parti est attaché.
Nicolas Kirkitadze