Loi travail, une occasion de réforme encore perdue – Par J-P Bernard

Jun 14 2016

Il y a une ambiguïté au départ : une loi n’a jamais créé d’emplois, c’est l’activité économique et elle seule qui génère le volume d’emploi nécessaire. Le besoin de simplification du Code du travail (et non la réduction des droits de salariés) est une nécessité vu l’extraordinaire complexité de cette législation et l’obsolescence de pans entiers. Cette compilation qui a démesurément grossi au fil du temps s’avère de plus en plus contre-productive et constitue un frein certain à la modernisation de l’économie.
Par ailleurs, l’insécurité juridique a entre autres inconvénients un coût non négligeable.

La présentation du texte a été une magistrale erreur de communication. On ne réforme pas une société à coup de lois et de décrets mais par la recherche d’un large consensus et un travail pédagogique de fond auprès des citoyens concernés. Cette étape a été brûlée, nonobstant les nombreux rapports sur la question qui sommeillent dans les armoires des ministres.
Au lieu de présenter un ensemble cohérent de réformes, ce sont des correctifs qui ont été présentés ainsi que des développements qui sont étrangers au thème du texte. Cela a permis de mobiliser uniquement sur les aspects négatifs du texte et plus ou moins dangereux pour rejeter l’ensemble d’un bloc.

Les dispositions concernant les indemnités prud’homales, la question des aménagements concernant les heures supplémentaires et l’encadrement des licenciements pour motif économique sont apparus comme des chiffons rouges et ont permis aux détracteurs de faire campagne pour dénoncer un recul généralisé et automatique du droit du travail. Ce qui ne correspond pas à la réalité et en est la caricature.

Le parlement a été dessaisi dés le dépôt du texte par la rue qui a condamné sans aucune nuance le projet. La majorité des syndicats dont la faiblesse est chronique en France n’a pu qu’accompagner la réaction de rejet quand ils ne l’ont pas eux même provoquée par une information dénuée de toute objectivité.

La loi travail engendre des manifestations et des violences qui débordent son cadre et fédère dans une unité de façade tous les mécontents, situation que les extrémistes politiques sont très satisfaits de pouvoir exploiter

Quelque soit l’issue, retrait du texte ou conservation d’un minimum de dispositions pour sauver la face, une occasion de réforme de structure aura encore été perdue par la France.

A l’heure de la mondialisation, à l’heure de l’Europe, les problèmes sont toujours traités d’une manière exclusivement hexagonale. Peu importe la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union Européenne, il n’y a aucune volonté d’harmoniser les législations sociales dans le but d’augmenter les standards de tous les européens.

Encore une fois remportent une victoire ceux qui refusent de voir que le monde a changé, que l’avenir ne peut se résumer à la consolidation d’un passé inéluctablement révolu. Il faut construire du neuf, en tenant compte des réalités du temps présent, c’est la seule façon de maintenir le niveau de bien-être auquel notre société est parvenue.

Cela passe par la construction européenne sur un modèle fédéraliste pour instaurer coopération entre pays européens et la mise en place d’une véritable solidarité.

Jean-Paul Bernard est Directeur honoraire du Travail et membre de la Direction collégiale du Parti Fédéraliste Européen.

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