Pour la création d’une Cour Suprême européenne

Apr 08 2022
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POINT DE VUE

Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a récemment dénoncé des « crimes de guerre » commis par la Russie lors de sa campagne en cours en Ukraine. Des bombardements  ont en effet occasionné la mort de plusieurs civils, dont des enfants, à Khrakiv, à l’est du pays. La Russie est également accusée auprès de la CEDH d’avoir commis des crimes de guerre lors de l’invasion de la Géorgie en août 2008, l’affaire traînant en longueur depuis des années… Quant aux éventuelles exactions commises en Syrie, elles n’ont pas même donné lieu à une enquête internationale. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les principes qui en 1945 ont fondé la justice internationale contemporaine font défaut lorsque les mis en cause s’avèrent puissants.

« Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a récemment dénoncé des « crimes de guerre » commis par la Russie lors de sa campagne en cours en Ukraine »

Concurremment aux cours de justice et cours pénales internationales, il existe déjà tout un arsenal juridique à l’échelle européenne ayant pour but de faire respecter les traités européens ou les valeurs humanistes qui servent de pilier à l’idéal européen. Ainsi, la CEDH a pour tâche de veiller au respect de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Les violations des droits humains par un des États signataires (dont la Russie et la Turquie font partie) relèvent donc de cette instance. Pour le droit communautaire (droit de l’Union) et le droit des traités européens, il existe en outre une Cour de Justice de l’Union Européenne composée de deux chambres, dont la mission principale est de faire appliquer les traités et les décisions des institutions européennes.

« Les décisions de la CEDH, exceptés les arrêts de violation, sont par exemple dénués de toute force exécutoire »

Dès lors, on pourrait penser que tout est pour le mieux. Or s’il est vrai que l’UE dispose d’un droit européen solide et d’instances juridiques pour le faire respecter, le pouvoir de la justice européenne est pour le moins relatif. Les décisions de la CEDH, exceptés les arrêts de violation, sont par exemple dénués de toute force exécutoire : par exemple, la France a été pointée du doigt à plusieurs reprises pour le manque d’indépendance des procureurs et pour son système de la garde à vue, mais cela n’a donné suite à aucun changement dans la législation française. Quant à la CJUE, elle demeure davantage un organe de droit administratif au fonctionnement complexe qu’une Cour de justice au sens propre du terme.

Cette dispersion des organes judiciaires, leur fonctionnement peu clair et leurs compétences relativement réduites, à quoi il faut encore ajouter la concurrence entre droit européen et droits nationaux, ont pour résultat immanquable l’inefficience de la justice européenne. Celle-ci reste ainsi impuissante face aux violations constantes du droit aussi bien par des pays membres de l’UE que par des États extérieurs.

« Le Parti Fédéraliste Européen plaide pour la création des États-Unis d’Europe, sur un modèle confédéral. Cela inclut évidemment l’existence d’une Constitution européenne et d’un code du droit européen (comme il existe un Code civil ou un Code pénal) »

Le Parti Fédéraliste Européen plaide depuis sa fondation en 2011 pour la création des États-Unis d’Europe, sur un modèle confédéral. Cela inclut évidemment l’existence d’une Constitution européenne et d’un code du droit européen (comme il existe un Code civil ou un Code pénal) en remplacement de la pléthore des traités actuellement en vigueur. Pour passer de la concurrence à la complémentarité juridique, nous sommes également en faveur d’un partage clair entre les compétences des justices fédérées (nationales, voire régionales) et celles de la justice fédérale européenne. Ces dernières devront relever d’une seule instance concentrant les pouvoirs de la CEDH, de la CJUE et remplir également le rôle d’un Conseil constitutionnel européen. Cette Cour Suprême fédérale, éventuellement composée de plusieurs chambres spécialisées (comme l’est une Cour de cassation), devra être la plus haute juridiction pour toutes les affaires relevant du droit européen.

La désignation des magistrats des juridictions européennes devrait par ailleurs résulter d’une confirmation par le Parlement européen après une proposition de candidature soumise par les États membres, et non sur désignation ou cooptation, afin d’éviter tout risque de partialité ou de conflit d’intérêt et de garantir une justice européenne efficiente et exemplaire.

Nicolas Kirkitadze

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